Paul Chemetov, un architecte AUA dans le 9-3. Episode 1 : le parc de la Manufacture

A 92 ans l'architecte et urbaniste Paul Chemetov est toujours sur la brèche. Il a été choisi, avec d'autres intellectuels, par le Département de Seine-Saint-Denis pour " comprendre l'histoire du département pour mieux s'en détacher" et "penser le Post-productivisme". Le but ? Préparer la Seine-Saint-Denis de 2030.

PC a beaucoup travaillé dans la banlieue parisienne et dans le 9-3.  

Suite à la fermeture de la Manufacture des tabacs de Pantin en 1982, il réalise tout au long des années 1990 le projet de reconversion du site, presque entièrement détruit. Seul subsiste le "petit pavillon" datant de 1986 situé à l'entrée de l'actuel parc de la Manufacture - au 140, avenue Jean Lolive - qui accueille désormais les bureaux de Seine-Saint-Denis Tourisme (eh oui on peut faire du tourisme dans le 9-3).

Le bâtiment en ciment, béton et briques bâti en 1957 le long de la rue Courtois est lui aussi resté debout. 

A l'intérieur de la parcelle, s'élèvent quatre grands immeubles de bureaux en béton, verre et aluminium qui abritent entreprises et institutions.

Il faut bien l’admettre, avec ses douces courbes et ses façades de verre, le bâtiment central à une certaine allure au fond du parc, un côté vaisseau voguant sur les flots en escadre avec ses deux jumeaux. L'impression est renforcée par les hublots qui constellent l'arrière des trois bâtiments (voir vue d'artiste). 

En partie réaménagé récemment à l’anglaise, façon « nature sauvage » et titulaire du label EcoJardin, le parc doit aussi sa renommée à sa faune de petits rongeurs, c'est en effet devenu depuis un paradis pour les rats : les très jeunes enfants de l’aire de jeu peuvent s’amuser avec les petites bêtes qui se glissent entre leurs jambes...

Paul Chemetov, n’est pas n’importe qui : il a construit (avec Borja Huidrobro) le ministère des finances à Bercy. Les deux réalisations ne se ressemblent pas mais on peut tout de même dire que Bercy est aussi un vaisseau à la majestueuse grandeur. Un vaisseau de pierre tandis qu’à Pantin les navires ont la légèreté de l’aluminium.

Mais à la Manufacture, l’élégance en plus, on n’est peut-être finalement pas si éloigné du collège Pailleron de sinistre mémoire, version immeuble de bureaux...

Légers, très bien conçus, "(poteaux béton, planchers alvéolaires et structure métallique pour le dernier niveau)" "Les immeubles bénéficient d’un rafraîchissement par double flux, l’ensemble des pompes à chaleur étant regroupé dans une bande technique centrale au dernier niveau." (lu sur le site de l'agence d'architecture). Moyennant quoi au fil des années - glacées l’hiver, fournaises l’été - il a fallu installer la climatisation, puis la remplacer par une autre et in fine on n’est jamais tout à fait sûr que la clim’ va fonctionner lorsque l’été sera là.

Dans l’immeuble jumeau d’en face les nouveaux occupants du 6^ème étage, arrivés au printemps, ont vite apposés de grandes feuilles de papier et autres calendriers sur leurs fenêtres : ils "bénéficient" du soleil le matin et sans même parler de clim' ne disposent même pas de stores (maintenant oui).

L'hiver, le hall du rez-de-chaussée est « chauffé » par de minuscules convecteurs totalement incapables de remplir leur fonction dans cet espace vitré si bien qu’on les a débranché parce que leur consommation, elle, se retrouvait bien sur la facture d’électricité. Les 4 ascenseurs sont capricieux et il n'est pas rare qu'un des quatre au moins soit en panne. Le rez-de-chaussée étant en retrait, on peut refermer son parapluie sans se faire mouiller et les fumeurs peuvent s'adonner à leur vice à l'abris des intempéries. Une vraie bonne idée. 

Parfait exemple d'urbanisme sur dalle le terrain étant en pente, le tout a été construit sur...une dalle à laquelle on accède par deux escaliers à partir du parc et qui se trouve de plain-pied avec la rue Jean Nicot, à l'arrière du dispositif. De nos jours la construction sur dalle n'a plus trop la cote...

Dessous trois niveaux de parking. Mieux vaut ne pas avoir un trop grand véhicule si on veut pouvoir facilement y entrer et en sortir sans froisser de tôles.

Entre deux immeubles on a aménagé un joli terre-plein avec fleurs, pelouse et bouleaux.

Voilà un bel exemple d’architecture pour architectes, joli à regarder, sans doute innovant mais presque invivable. D'ailleurs l'un des bâtiment anciennement occupé par des services du département, est resté longtemps vide et n'est actuellement qu'en partie occupé au rez-de-chaussée et au 6ème étage.

A l'intérieur Il n’y a presque pas de murs porteurs - sauf autour des deux cages d'escalier - mais dans les bureaux de gros piliers de béton encombrent l’espace et compliquent la mise en place du mobilier et des cloisons. Les bureaux sont desservis par de grand couloirs dans lesquels il n'est pas facile de s'orienter.

Par la fenêtre on peut avoir la chance d'apercevoir le feuillage d'un bouleau, on est quand même dans une sorte d'oasis, loin de la rue et de la circulation automobile...

A part ça, le bâtiment est certainement d’une légèreté à toute épreuve, son coût a sans doute été inférieur à celui d’un bâtiment « classique », plus rapide à construire, etc.

De l'autre coté de l'avenue Jean Olive un grand immeuble tout en verre est en cours de construction, bâti exactement sur le même principe...A l'heure où le sable se fait rare, cela permet au moins d'économiser le béton même si la fabrication du verre est presque aussi gourmande en sable...

A Pantin PC est aussi l'auteur de plusieurs autres réalisations dont l'une au moins pourrait bien être une réussite. Mais nous verrons ça dans un prochain épisode !