La Troisième Guerre mondiale - Général Sir John Hackett

Au moment où Donald Trump et Kim Jong-un se menacent mutuellement, voilà sans doute une lecture utile.

Je l'avais déjà dans ma Pal (pile à lire) mais c'est le dernier numéro de Guerres & Histoire (encore ?) et son dossier "Guerre froide 1975-1985. Qui aurait gagné la bataille d'Europe ?" qui m'a décidé à lire séance tenante La Troisième Guerre mondiale (1978).

G & H suggérait aussi de lire Tempête Rouge de Tom Clancy.

Soi-disant écrit à chaud "moins de deux ans après la fin de la Troisième Guerre mondiale", l'ouvrage se propose de répondre à des questions simples : Que s'est-il passé et pourquoi ? Qu'aurait-il pu arriver ? Pourquoi n'est-ce pas arrivé ?

Max Brooks a sûrement du le lire avant d'écrire World War Z, une histoire orale de la Guerre des Zombies, (mal) adapté au cinéma par Mark Forster avec Brad Pitt. 

Le Général Sir John Hackett qui fut commandant en chef du groupe d'armées-nord de l'Otan s'est adjoint les services de six co-auteurs dont quatre hauts gradés...On peut les ranger sans hésiter dans le camp conservateur. 

Particulièrement réussi le premier chapitre, intitulé "A l'aube du 4 août [1985] : les premiers coups", nous plonge au cœur des combats juste au moment où l'avant-garde d'un corps d'armée soviétique traverse la frontière entre les deux Allemagnes. Avec ses chars légers Sheridan, leurs missiles Shillelagh et ses véhicules porteurs de missiles antichars Cobra, le 11ème régiment de cavalerie blindé du 5ème corps d'armée US doit faire face aux T-72.

Ils ne sont pas les seuls en première ligne.

Le chapitre suivant "Le monde en 1984" délivre un cours accéléré de géopolitique, à travers deux rapports remis au président Thomson, successeur de Jimy Carter, du "sud pauvre" au "nord riche", le tout teinté d'une discrète ironie que l'on attribuera à la nationalité britannique des auteurs.

On sait que la troisième guerre mondiale n'a pas (encore) eu lieu - et encore moins la world war Z - mais pour ce qui est de la première, on sait aussi que cela a parfois été à un cheveu. Par exemple quand l'officier soviétique Stanislav Petrov a refusé de croire son système informatique qui annonçait une attaque de missiles américains contre l'URSS.

En réalité si un tel livre "aurait pu" être écrit cela signifie d'abord qu'il est resté quelqu’un pour l'écrire, du papier pour l'imprimer, un éditeur pour le publier et des lecteurs pour le lire ! 

Autrement dit on sait déjà que cette Troisième Guerre mondiale n'a pas eu les conséquences qui faisait dire à Einstein : "Je ne sais pas comment on fera la Troisième Guerre mondiale, mais je sais comment on fera la quatrième : avec des bâtons et des pierres."

Les auteurs ont des comptes à régler, ils dénoncent entre autres choses "L'influence pernicieuse du Livre blanc de 1957 (qui) dominera la politique britannique de défense pendant vingt ans".

Le livre est d'abord un vibrant appel à une augmentation conséquente des moyens alloués à la défense. Les auteurs notent en outre que "l'évolution intérieure de l'Europe avait contribué à émousser sa volonté de vaincre, et son pouvoir de prendre des décisions".

Selon le scénario proposé la Troisième Guerre mondiale "avait éclaté dans le même pays que la Deuxième, en Pologne, le 11 novembre 1984, soixante ans après la fin de la Première Guerre mondiale". Cependant "L'attaque soviétique du 29 décembre 1984 - un sous-marin coule un transport de troupes iranien et un navire espion américain est attaqué par des missiles dans le golfe d'Aden - peut être considérée à juste titre comme le premier coup de feu."

Le 15 février 1985 une réunion au sommet à lieu entre le président des Etats-Unis Thompson et le président soviétique Vorotnikov. A cette date l'Arabie Saoudite, le Koweit et l'Irak sont déjà sous la houlette de l'Egypte et de l'URSS tandis que le Sud du Golfe est sous la domination de l'Ouest. En Afrique subsaharienne la Namibie, le Mozambique, le Zimbabwe et le Botswana bénéficient d'une abondante aide militaire cubaine, somalienne, nigérienne et jamaïcaine - encadrée par des "conseillers" soviétiques - et semblent bien décidés à éradiquer le pouvoir blanc sud-africain.

L'issue du sommet rappelle fortement un certain mois de septembre 1938. Une drôle de paix s'installe...

En plus de la multiplicité des points de vue et des intervenants, tous fictifs bien entendu, et des supports utilisés - études, rapports, etc. - le récit est émaillé de "témoignages", extraits d'interviews ou de livres de soldats ayant soi-disant participé aux combats dont les auteurs donnent scrupuleusement les titres et dates de parution, on s'y croirait !

Le lecteur patient aura même droit à la description minutieuse d'une attaque nucléaire et de la destruction d'une ville de taille moyenne par la bombe atomique avec ses affreuses conséquences sur les constructions et surtout sur les habitants selon leur plus ou moins grande proximité avec le point d'impact...

Et tant qu'à décrire l'avenir les auteurs imaginent, outre la CEE du futur (l'UE), l’avènement d'un "télé commutant" qui annonce assez clairement l'internaute d'aujourd'hui !